De l’art de manipuler les statistiques

Suite à la lecture d’un article intitulé :
TO QUIT OR TO START? THE EFFECT OF E-CIGARETTES USE ON SMOKING TRADITIONAL CIGARETTES AMONG YOUNG PEOPLE IN SWITZERLAND
signé par Diane Auderset, Yara Barrense-Dias, Christina Akre et Joan-Carles Suris, je me permet de poster ici quelques citations et commentaires.

Cette étude analyse les chiffres de deux autres études nommées “GenerationFRee survey” qui se sont déroulées entre 2015 et 2017 et qui analysent “La problématique des jeux d’argent chez les adolescents du canton de Fribourg.

Conclusions: The vast majority of youths used ECs “to try”, suggesting that the aggressive marketing campaigns that target them work.

La première phrase de la conclusion est symptomatique : On étudie une chose pour en conclure une autre, sans aucun rapport. Cette étude ne porte pas sur le marketing. Si l’équipe qui a fait cette étude avait étudié le marketing de la vape entre 2015 et 2017, elle aurait découvert qu’il était pratiquement inexistant à cette époque. La vape est une “subculture” qui passe par les réseaux sociaux, une communauté d’utilisateurs qui propagent leurs expériences. Pour preuve, alors que tous le monde connait Apple, Microsoft ou BMW, qui connait les marques tel que Joyetech, Innokin, Kangertech ? Presque personne. Les marques qui dominent le marché de la vape ne font pas de publicité. Pourquoi donc commencer la conclusion de cette étude en accusant le marketing ? Pour moi la réponse est tristement évidente : Ce n’est pas de la science. C’est une manipulation politique qui vise à restreindre l’accessibilité du produit, notamment via une interdiction la plus vaste possible de la publicité sur la vape.

Il faut noter ici que dès la première phrase de la conclusion, on voit un parti pris. La vape est négative. Il faut luter contre la vape. La vape cible les jeunes. Rien dans cet article ne va envisager un quelconque effet bénéfique de la vape. Voici la suite :

Furthermore, ECs seem to be a gateway to smoking and have little impact on helping to quit.

Là, il faut examiner les chiffres. Il y en a deux sortes : ceux qui sont dit et ceux qu’il faut calculer. L’étude globale (N=1437) dit qu’il y a 26.3% de fumeurs, plus 6.7% de “dual users”, soit un total de 33% de fumeurs (N=475). On voit ici à quel point le tabagisme est répandu chez les jeunes. Fumer tue et touche un jeune sur 3. Ces chiffres sont stables depuis bien avant que la vape n’arrive et donc en aucun cas on ne saurait les imputer au marketing “agressif” de Eleaf. Les jeunes suisses fument.

Effet passerelle

Les jeunes qui vapotent exclusivement sont 2.9% (N=42) et l’étude nous dit que 23% d’entre eux (10 jeunes donc) sont devenus fumeurs après un an. Donc à supposer que l’effet passerelle existe, cette étude a mesuré qu’elle impact la prévalence tabagique de 0.7%, ce qui ne semble pas grand chose au regard des 33% de fumeurs qui n’ont pas commencé à cause de la vape. (Tirer des conclusions sur un panel de 10 jeunes ne me semble pas très professionnel, mais passons)

Cette étude ne démontre en rien une causalité.
On ne peut affirmer, en la lisant, que ces jeunes ne seraient pas devenu fumeurs s’ils n’avaient pas vapoté avant. Fait paradoxal, ces chiffres sont issus d’une étude qui démontre que certains jeunes ont des comportements à risque, c’est à dire qu’un jeune qui aime les jeux d’argent sera plus susceptible de consommer de l’alcool, de fumer ou de se droguer qu’un autre jeune. Concernant la vape, en revanche, les auteurs de cette étude ne se posent pas la question d’une corrélation de comportements à risque. Du fait que la moitié des auteurs de cette étude fait partie de l’équipe qui a rédigé l’autre étude, on ne peux supposer qu’ils ne sont pas au courant. On voit donc ici que les conclusions des auteurs relèvent une intention de leur part à conclure à un effet passerelle. C’est de la politique, pas de la science.

little impact on helping to quit

Là aussi, cette étude révèle plus des intentions et préjugés des auteurs que la réalité des faits.

Among dual users indicating wanting to quit as a reason to use ECs, 15.3% effectively quitted smoking

Faisons quelques calculs pour savoir de quoi on parle. Les “dual users” N=97 ont été 8.4% à dire qu’il vapent pour arrêter de fumer. On parle donc de 8 jeunes. Cette étude entend donc démontrer l’inefficacité de la vape en tant qu’aide à la cessation tabagique sur un panel de 8 personnes. En quoi est-ce représentatif ?

Il faut rappeler ici que cette étude analyse les chiffres de 2015 à 2017. A cette époque la nicotine était interdite à la vente. De plus les boutiques de vape spécialisées se sont par principe engagés à ne pas vendre aux mineurs. On ne sait donc pas si ces jeunes vapotaient avec nicotine, ni si ils ont été correctement aidés, conseillés et suivis par des spécialistes. On ne peux donc pas savoir si la faible efficacité que les auteurs attribuent à la vape provient du contexte législatif négatif, d’un sous-groupe d’individu ayant une tendance marquée à la dépendance ou de la vape elle-même.

Addictivité de la vape

Ce point n’est absolument pas évoqué par les auteurs, pourtant cela me semble statistiquement intéressant. On lit souvent que la vape est dangereuse parce que addictive. Selon le T1 près de la moitié des jeunes interrogés ont testé au moins une fois la vape, mais ils ne sont que 2.9% à être considérés comme vapoteurs par les auteurs de cette étude. Cela voudrait dire que parmi les jeunes ayant testé la vape, moins de 6% sont éventuellement devenus dépendants. Qu’en est-il comparé au tabac ?

chez les jeunes de 20/25 ans ayant fumé leur première cigarette avant 14 ans, 66 % fument quotidiennement

https://www.april.fr/informations/le-tabac-et-les-jeunes-de-l-experimentation-a-la-dependance

On voit donc ici qu’il se pourrait que cette étude démontre le faible potentiel addictif de la vape, lequel serait selon ces chiffres 10x plus faible que le potentiel addictif du tabac.

Conclusions

Si je devais tirer mes propres conclusions de cette étude, je dirais ceci :

  • La prévalence tabagique est stable chez les jeunes, ce qui montre que la politique anti-tabac actuel est un échec (33% des jeunes interrogés sont fumeurs). Cela est dramatique car parmi ceux qui ne parviendront pas à arrêter de fumer, la moitié mourront à cause du tabac. Le tabac menace l’avenir de notre jeunesse.
  • Alors que la moitié des jeunes ont expérimenté la vape, seul un petit nombre pourraient présenter une dépendance. La vape semble moins addictive que le tabac, et selon d’autres études elle serait 95% moins dangereuse. Il n’y a donc pas de raison de placer le danger que la vape pourrait représenter au même niveau que le danger avéré du tabac.
  • Reste que nous ne souhaitons pas que les jeunes développent des addictions, quelles qu’elles soient. Il convient donc de limiter l’accessibilité du produit auprès des jeunes (par une interdiction de vente et des messages de prévention notamment) mais de manière raisonnable car ces jeunes seront bientôt des adultes ayant besoins d’une méthode efficace pour arrêter de fumer. D’autres études indiquent que la vape est une aide efficace dans le sevrage tabagique.

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